Le monde germanophone connaît au cœur de l’automne l’une de ses plus fêtes populaires les plus marquantes, la Saint-Martin (Martinstag), célébrée le 11 Novembre.
Elle rend hommage à Saint-Martin de Tours, l’un des principaux saints de la Chrétienté. Ayant vécu au IVe siècle, né dans l’actuelle Hongrie, il officiait en tant que soldat romain en Gaule où, pris de pitié à la vue d’un pauvre mendiant tremblant de froid, il coupa son manteau avec son glaive pour en offrir la moitié au pauvre homme. Cet acte de charité fut pour lui une révélation qui le mena à se convertir au Christianisme, il deviendra par la suite évêque de Tours.

Il est de coutume d’organiser un cortège d’enfants tenant des lampions (Laternenumzug) et suivant une personne à cheval symbolisant Saint-Martin en tenue de légionnaire romain, ils sont parfois accompagnés d’une fanfare. Les enfants défilent dans les rues en chantant des comptines propres à cette fête (Martinslieder, Laternenlieder), allant quémander des bonbons aux portes des habitants dans certaines régions. A la fin du parcours, le cortège allume un grand feu (Martinsfeuer).

Martinsumzug à Langenberg en Rhénanie-du-Nord-Westphalie.

 

Martinsfeuer à Krefeld en Rhénanie.

La Saint-Martin était un moment important du cycle agricole, les travaux dans les champs sont terminés avec l’arrivée du froid et les dernières récoltes sont mises à l’abri. La période la Saint-Martin correspondait ainsi également à celle du renouvellement des baux, du règlement des dettes, au paiement de la dime et de la fin des contrats des ouvriers agricoles.

Bien que principalement catholique, la Saint-Martin n’est pas pour autant délaissée par tous les Protestants, Martin étant le prénom de Luther et celui-ci ayant été baptisé un 11 Novembre.
En guise de cadeaux des brioches peuvent être distribuées aux enfants. Dans plusieurs régions allemandes, les enfants reçoivent des Weckmann cousins de nos Männele, appelés parfois Martinsmann pour l’occasion.

Les Martinsmänner.

Rappelons que de nombreuses localités rhénanes ouvrent la saison de Carnaval le 11 Novembre à 11h11, débutant l’ensemble des préparations qui permettront d’assurer des festivités grandioses à Mardi Gras.

Il est également de tradition d’accompagner le repas de la Saint Martin par une oie servie avec des choux rouges. Plusieurs histoires sur l’origine de cette coutume circulent ; ne voulant pas devenir évêque Saint Martin se serait caché dans un poulailler mais les oies l’auraient trahi par leurs cris, une autre légende dit que des oies seraient venues importuner le saint lors d’un prêche dans une église, il décida donc de les faire rôtir.
Les oies étant de grosses consommatrices de grains, on en sacrifie opportunément à l’approche de l’hiver. Il s’agissait aussi de l’un des derniers repas important avant les jeûnes de l’Avent.

Martinsgans (l’oie de Saint-Martin).

Le personnage de Saint-Martin apparaissant dans ces fêtes de villages partage des caractéristiques avec le Saint-Nicolas célébré également dans les pays germaniques, tous deux ont un rôle de protecteurs vis-à-vis des enfants en cette période proche du solstice d’hiver où l’on entre dans les longues nuits hivernales.

Martinsumzug à Xanten.

D’autres personnages germaniques se rencontrent à cette période comme Pelzmärtel , Nüssmärtel, Belznickel, que l’on retrouve sous d’innombrables noms selon les régions (parfois même appelé Pelzmartin), tantôt positifs et similaires à Saint-Martin et Saint-Nicolas, tantôt négatifs, pouvant même accompagner ces derniers à la place du Hans Trapp/Knecht Rurprecht pour châtier les enfants n’ayant pas été sages.

Nüssmärtel et Saint-Martin.

Plusieurs hypothèses rattachent certaines de ces pratiques à des survivances de mythes plus anciens, les figures de Saint-Martin et Saint-Nicolas peuvent évoquer des attributs du dieu germanique Wotan, le manteau, le cheval et le mendiant notamment pour Saint-Martin.
La période de la Saint-Martin est aussi celle de l’entrée dans la période des mythes de la Chasse Sauvage (Wilde Jagd), symbolisée par une horde de créatures fantastiques et de spectres chevauchant dans le ciel avec fracas, parfois menée par Wotan à sa tête. Les cortèges d’enfants lanternes à la main, guidés par Saint-Martin, pourraient être une symbolisation de la Chasse Sauvage ou au contraire les lanternes et Saint-Martin pourraient être là pour en protéger les enfants.

Nüssmärtel et sa troupe sauvage.

La présence de ces festivités en Alsace illustre encore une fois le rattachement de notre région au monde allemand, on retrouve même des survivances de cette tradition dans les lieux où vivaient des minorités allemandes à l’est de l’Europe.
Aujourd’hui, elle est malheureusement éclipsée en Alsace-Moselle par les cérémonies patriotiques françaises imposées par l’Etat et entrées dans les esprits, qui sont d’autant plus absurdes dans nos régions quand on sait que nos aïeux ont combattu pour l’Allemagne.

La Saint-Martin est pourtant une fête bien plus joyeuse et en accord avec nos racines, nous ne pouvons qu’encourager au retour de ces festivités communautaires dans nos villages.

Cortège à Riedisheim en Alsace.

Cortège à Schaffhouse-près-Seltz, en Alsace.

 

Lutz Schwammeljaeger

 

Sitographie

https://www.francebleu.fr/emissions/le-patrimoine-alsacien-par-emilienne-kauffmann/elsass/les-traditions-de-la-saint-martin

https://www.sternenkreis.de/index.php/jahreskreis/samhain/231-der-martinstag-und-seine-bedeutung-fuers-heidentum-oder-lasst-uns-den-funkentag-wieder-einfuehren

https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/alsace/tradition-qui-est-saint-martin-celebre-le-11-novembre-en-allemagne-et-en-alsace-2653036.html