* Cet article est la transcription de l’exposé réalisé durant la Wanderung de juin 2023.

Contexte Historique

C’est au cours de l’an 930, que le moine Ekkehard 1er de Saint-Gall couche par écrit le Waltharilied, appelé aussi Waltharius ou Chanson de Walther. Il s’agit d’une chanson de geste, relatant les exploits de Walther un puissant chevalier Wisigoth.
Ce texte serait lui-même tiré, d’un ancien poème germanique perdu, et d’auteur inconnu du Vème siècle, à l’époque de la marche des peuples (Völkerwanderung).

 

Vision romantique d’Ekkehard composant le Waltharilied, par Otto von Leixner, 1880.

 

Le récit prend place en 430, alors que les Huns sont en train de conquérir l’Europe occidentale. Etzel (Attila) est parvenu à soumettre les tribus des Wisigoths, des Burgondes et des Francs Rhénans.
En gage de paix, les souverains de ces confédérations germaniques, ont envoyés leurs enfants royaux en otages à la cour du puissant roi.

C’est ainsi que s’y rencontrent Walther, prince des Wisigoths, sa fiancée Hildegund, princesse des Burgondes, et Hagen Von Tronje, vassal du roi des Francs Rhénans, Gunther.
Ils grandissent tous les trois ensemble et Walther finit par devenir l’un des guerriers favoris d’Etzel, gagnant de nombreuses batailles et se taillant une réputation de grand chef de guerre.

Hagen finit par s’échapper et retourne en Germanie, à la cour du roi Gunther. Les deux fiancés élaborent un stratagème pour faire de même. Ils enivrent les Huns durant un banquet et prennent ainsi la fuite.
Walther en profite pour dérober l’or des Huns ainsi que pour récupérer un cheval afin de retourner au plus vite chez lui, en Aquitaine, avec sa fiancée.

 

Walther et Hildegund en fuite, par Carl Friedrich Lessing, 1841.

 

Alors qu’ils traversent le Rhin, ils remettent, en échange de son aide, un poisson au passeur. Celui-ci avait été péché par Walther dans le Danube, plus tôt sur la route. Le soir même, à la cour de Worms, résidence royale de Gunther, ce dernier voit paraître sur sa table le poisson qu’avait donné Walther au passeur.
Comme le roi Gunther ne reconnaît pas cette espèce, qu’il n’a jamais vu dans le Rhin, il interroge le passeur, qui lui révèle alors que c’est un noble chevalier accompagné d’une belle demoiselle qui le lui a remis.

Il ajoute également que les deux voyageurs étaient pourvus de deux coffres aux sons métalliques, laissant deviner un trésor. Le roi prend donc la décision de s’emparer de celui-ci, afin de récupérer la somme du tribut qu’avait versé son père aux huns, en échange de la paix.
Accompagné de onze chevaliers, ainsi que de Hagen, Gunther traque Walther et finit par le confronter au lieu-dit du Wasigenstein.

 

Croquis du combat de Walther au Wasigenstein, par Heinrich Ludwig Philippi, 1868.

 

L’étroitesse du défilé montagneux ne permettant qu’à deux combattants de se faire face à la fois, Walther, excellent guerrier, parvient à tuer les onze chevaliers de Gunther, avant de reprendre la fuite avec sa fiancée.
Gunther et Hagen, à leurs trousses, finissent par les retrouver entre le Walterstein et le Landskopf. Le roi des Francs se fait trancher la jambe, mais, profitant alors de l’exaltation de Walther, Hagen s’élance et brise son épée avant de lui sectionner la main droite.
En un éclair, Walther reprend ses esprits et, dégainant une nouvelle lame, lui crève un œil, lui arrache six molaires et lui taillade le visage.

Affaiblis et incapables de poursuivre le combat, les trois guerriers décident de rengainer leurs armes. Ils seront guéris par Hildegund qui prend grand soin de leurs blessures.
Walther et Hagen se livreront plus tard à une joute verbale, où ils loueront à tour de rôle leur bravoure mutuelle. Puis, Gunther et Hagen se partageront le butin du trésor des Huns. Quant aux fiancés, ils rentreront en Aquitaine, où ils régneront, après sa mort, sur le royaume du père de Walther, pendant près de trente ans, au plus grand bonheur de leurs sujets.

 

Appendices

L’affrontement contre les chevaliers de Gunther, point d’orgue de la chanson de geste, se serait déroulé dans la brèche du Wasigenstein, située dans les vénérables forêts du Wasgau (Vosges du nord), à l’emplacement où se dresse aujourd’hui le château du même nom.
Le Waltharilied, texte important de la culture allemande, possède une portée européenne. On y parle de la Bourgogne, de l’Aquitaine, de l’ancienne Francie, et même de la Pannonie (actuelle Hongrie).

 

Photographie prise durant la Wanderung de Juillet 2023, à l’entrée de la tour du Petit-Wasigenstein.

 

Pour nous, Alsaciens, le fait que le lieu légendaire de la bataille se trouve sur nos terres est un motif de fierté qui nous rattache au monde littéraire et légendaire allemand.
Depuis plus d’un siècle maintenant les Wanderer de tous âges viennent arpenter ces vieilles pierres et se souvenir de l’antique combat. La légende locale raconte même que le trésor des Huns y est toujours caché, attendant qu’une main vigoureuse s’en empare…

En guise de conclusion et d’ouverture, il me semble judicieux d’informer le lecteur que deux mentions, dans la célèbre « Chanson des Nibelungen », parlent des personnages et des situations décrites dans le Waltharilied. Les voici :

« Aussi ai-je toujours très bien connu Hagen. Deux beaux enfants furent mes otages, lui et Walter d’Espagne. Ils ont grandi ici jusqu’à l’âge d’hommes. J’ai renvoyé Hagen chez lui. Walther s’est enfui avec Hildegund. » Etzel se remémorant de vieux souvenirs, verset 1756

« Qui donc resta assis sur son bouclier devant le Waskenstein, alors que Walther d’Espagne lui tuait tant d’amis et de parents ? » verset 2344

Widukind

Bibliographie :

  • La Chanson de Walther / Waltharii poesis, texte présenté, traduit et annoté par Sophie Albert, Silvère Menegalo et Francine Mora. Edition bilingue annoté du texte intégral (selon l’édition K. Strecker,1951).
  • Francine Maura, Le Waltharius, poème épique européen,  éditions UGA, 2009.